Dans son nouveau livre De coeur inconnu (Le Cherche Midi), l’actrice Charlotte Valandrey nous relate un phénomène étonnant qu’elle a vécu à la suite d’une greffe cardiaque reçue il y a quelques années. Charlotte Valandrey nous raconte comment elle a commencé à ressentir des sensations étranges et des réminiscences propres à la personne qui lui a donné ce cœur. Pour expliquer cet étrange phénomène, l’actrice a mis en avant la théorie populaire de la mémoire cellulaire, ce qui a suscité un véritable tollé auprès du personnel médical. A-t-elle simplement imaginé tout cela ? N’étaient-ce que des coïncidences troublantes ? Les médecins se trompent-ils ? Nous avons enquêtés pour vous !


 
Qu’est ce que la mémoire cellulaire ? Il s’agit d’une théorie « pseudoscientifique » selon laquelle la mémoire n’est pas stockée que dans le cerveau mais dans toutes les cellules humaines. Ainsi, lors d’une greffe, une partie ou toute l’information mnésique du donneur parvient au receveur. Ce dernier peut avoir des sensations de déjà-vu ou reconnaître des lieux ou évènements auxquels il n’a pourtant jamais été confronté.

 
Voici comment Charlotte Valandrey raconte son expérience de mémoire cellulaire dans une interview de l’express :

C’est une belle histoire, finalement. Tout a commencé par un cauchemar récurrent, deux ans après ma greffe. J’étais dans une voiture, j’avais un accident, des phares m’aveuglaient, la pluie battait mon pare-brise; je sentais que ce n’était pas moi qui conduisais, je portais une bague qui n’était pas la mienne. Mes goûts ont changé. Moi qui n’aimais pas du tout le vin, je me suis mise à en déguster avec plaisir ; idem avec le baba au rhum ou la tarte au citron. Ma psy me disait que de tels rêves n’avaient rien d’étonnant après une opération comme la mienne, car le coeur est un organe vital particulier, c’est le seul que l’on puisse ressentir. Après avoir fait six ou sept fois le même cauchemar, je me suis tout de même posé des questions. Puis je suis partie en Inde, un pays où je n’avais jamais mis les pieds. Là-bas, j’ai éprouvé des sensations de déjà-vu intenses. En visitant le Taj Mahal, j’ai eu la certitude d’être déjà venue là avec quelqu’un; c’était un grand moment de bonheur, j’étais amoureuse. J’ai affirmé à l’amie qui m’accompagnait qu’au bout du Taj Mahal coulait un fleuve, invisible depuis l’entrée. Et en effet, le fleuve était là.

Si Charlotte Valandrey était la seule a raconter ce phénomène, on ne lui apporterait que peu de crédit. Mais en fait ce genre d’expérience est déjà survenue à de nombreux greffés. Voici d’autres petits exemples surprenants :

Exemple 1 extrait d’une étude publiée en 2000 (Pearsall et al) :
Carter, Un enfant de 7 mois présentant une maladie du coeur congénitale, fut greffé avec le coeur d’un enfant de 16 mois, Jerry. Quelques années après cette greffe, de nombreux comportements étranges apparurent chez Carter. Tout d’abord, quand il rencontra la mère de Jerry, il se colla et frotta son nez contre elle, tout comme avait l’habitude de faire Jerry. Bien qu’il avait 6 ans, il se mit à lui parler avec les mêmes mots de bébé que Jerry. La mère de Carter était stupéfaite de le voir courir vers la mère de Jerry, lui qui était d’habitude si timide. Carter finit par dire à la maman de Jerry « c’est ok maman », comme si c’était le coeur de Jerry qui parlait.
Plus étonnant encore, une fois que le père de Jerry était assis avec un groupe de gens, Carter le vit et bien qu’il ne l’avait jamais rencontré auparavant il se serra contre lui et lui dit « papa ».

Exemple 2:
Sonny Graham était un homme de 69 ans qui souffrait de problèmes cardiaques. Pour pallier à ce problème, un coeur lui fut greffé à partir d’un homme de 33 ans qui s’était suicidé. Après avoir remercié la famille du donneur, Sonny rencontra la veuve, en tomba amoureux, et se marria avec elle. En 2008, soit 12 ans après sa transplantation, Sonny se suicida de la même manière que son donneur, avec une arme à feu.
De nombreuses personnes furent convaincues que le dénominateur commun était la femme, et que c’était elle qui les avait amenés à se suicider. Cependant, selon la théorie de la mémoire cellulaire, il se pourrait très bien que le donneur avait transmis non seulement son coeur, mais également ses pulsions suicidaires.

Exemple 3:
Claire Sylvia était une danseuse de 47 ans a qui il fallut faire une transplantation coeur-poumons en 1988. Après la greffe son comportement commença à changer. Elle se mit à aimer boire de la bière et à adopter une démarche masculine. Elle commença à jurer, elle qui avait toujours détesté cela. Sans aucune raison elle se mit à aimer la moto et à rouler à grande vitesse, ce qui n’était absolument pas dans son tempérament. A la suite d’un rêve prémonitoire, elle rechercha la famille du donneur Rim, qui était mort dans un accident de moto. La famille de Tim se rendit compte que Claire avait adopté de nombreux traits de caractère de Tim.

 

Qu’en pensent les médecins ?

La grande majorité des médecins est très sceptique sur l’existence d’une mémoire cellulaire, et clame qu’elle ne repose sur aucune preuve scientifique. Pour les médecins, les différences de comportement et les sensations observées proviennent très certainement des médicaments donnés pendant et après une transplantation. Ces derniers peuvent notamment modifier le goût et changer les préférences alimentaires. Après ingestion des médicaments, les patients peuvent également se sentir bizarre et différent d’avant la transplantation.
Par exemple, certains médicament augmentent le goût pour la pâtisserie. Si le receveur développe un amour immodéré pour la pâtisserie et que le donneur d’organe était un amateur de pâtisserie, il n’y a pas forcément un lien mais simplement un effet du médicament.
D’après les médecins, les cas relatés peuvent aussi être expliqués par de simples coïncidences. Si l’on regarde suffisamment de point de comparaison entre donneur et receveur, on finira toujours par trouver une coïncidence à un moment donné… Et oublier tous les autres points qui ne concordent pas.
 
Voici l’avis de plusieurs spécialistes concernant l’expérience de mémoire cellulaire vécue par Charlotte Valandray (source : le parisien)

professeur Laurent Lantieri, auteur de la première greffe mondiale du visage à l’hôpital Henri Mondor de Créteil (Val-de-Marne) :

« Ce sont des fadaises. De plus, ces thèses sont délétères pour le don d’organe. Ce qui est vrai, c’est que certains traitements antirejet peuvent provoquer des changements chez les greffés, au niveau du goût par exemple. Mais cela n’a rien à voir avec le greffon ».

Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice générale de l’Agence de la Biomédecine:

« Les personnes en attente de transplantation cardiaque sont très faibles, leur vie est considérablement dégradée. Lorsqu’elles sont greffées, elles témoignent toutes d’une sorte de renaissance. La fonction cardiaque reprend à fond et leurs sensations — cela peut-être le goût, par exemple — sont beaucoup plus fortes. C’est un phénomène physiologique bien connu. »

Professeur Gérard Helft, cardiologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (qui signe la préface du livre de Charlotte Valandrey) :

« Il n’y a aucune transmission de mémoire et autres souvenirs lors d’une greffe, conclut sans ambiguïté le spécialiste. J’ai fait cette préface parce que j’ai trouvé ce témoignage très émouvant et qu’il montre qu’une greffe du cœur n’est pas quelque chose d’anodin. »

 

Les médecins pourraient-ils avoir tort ?

La question peut paraître étonnante, étant donné que ces médecins sont de grands spécialistes reconnus dans leur domaine, et que leur expérience scientifique en matière de transplantation est de loin supérieure à celle de Charlotte Valandrey ou de l’auteur de ces lignes.

Comme tout bon médecin, ces professeurs basent leurs propos sur leurs connaissances scientifiques et l’avancée de la science à l’heure actuelle.  Il n’y a pas de place à la sensation ou aux théories alternatives. La grande majorité des scientifiques pense ainsi que tous les phénomènes liés à l’esprit sont obligatoirement générés dans le cerveau et restent confinés à l’intérieur. Tout autre hypothèse doit être condamnée. De même, selon les scientifiques, aucun évènement n’est si inhabituel qu’il ne peut être expliqué par une simple coïncidence (Dossey, 2009). Les évènements de mémoire cellulaire violent les lois de la nature et donc ne peuvent exister.

Cependant, une minuscule parcelle de doute doit exister. D’une part parce que parmi les très nombreux témoignages soulignant l’expérience d’une mémoire cellulaire, beaucoup ne peuvent simplement s’expliquer par de simples coïncidences (par exemple la description précise de personnes que l’on n’a jamais rencontré ou de lieux où l’on n’est jamais allé). Et dans ces cas, on ne parle pas simplement d’une modification du goût, comme c’est souvent mis en avant par les médecins (cf les commentaires des médecins ci-dessus).
D’autre part, il est intriguant de noter que les phénomènes de mémoire cellulaire ne sont généralement observés qu’après les greffes cardiaques et pas de la peau ou des reins. Pourquoi n’a t on jamais entendu parler de mémoire cellulaire dans ces cas là ? On peut se demander ce qu’ont de si spécial les cellules myocardiaques qui font qu’elles permettent de mieux transférer la mémoire que les cellules du foie ou des reins ?

 

Notre avis :

Le phénomène de mémoire cellulaire ne repose sur aucune base scientifique, juste des témoignages. Par conséquent, en tant que scientifique, il est difficile d’admettre qu’une telle expérience ne résulte pas de simples coïncidences ou d’effets secondaires des médicaments.
Toutefois, au vu des nombreux témoignages parfois surprenant, souvent poignants, on ne peut exclure à 100% de l’absence d’un tel phénomène. On peut par exemple se demander si les cellules cardiaques, qui sont similaires aux neurones dans le sens où elles ne se divisent ni ne régénèrent au cours de la vie, peuvent contenir de l’information sur notre mémoire. Les prochaines années nous le diront mais si tel est le cas, cela serait une des plus belles découvertes du 21eme siècle.

 

Lecture conseillée :

Dossey L. Transplants, cellular memory, and reincarnation. Explore (NY). 2008 Sep-Oct;4(5):285-93.

Pearsall P, Schwartz GE, Russek LG. Changes in heart transplant recipients that parallel the personalities of their donors. Integr Med. 2000 Mar 21;2(2):65-72.

 


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